Devant la page blanche, un vertige saisit les 3 500 porteurs de projets qu’EBF a accompagnés jusqu’ici : où aller lorsque l’horizon paraît infini et sans repères ? Parmi eux, 1 100 ont obtenu un financement, quelques centaines ont vu naître une vraie startup, et tous les autres continuent de cheminer, suspendus entre l’envie d’avancer et l’effroi de l’inconnu. Face à ce vide initial, la question « Par quoi commencer ? » résonne comme un écho qui ne meurt jamais, jusqu’à ce que, enfin, on tende la main vers un premier mot, un premier schéma, un premier souffle.
Suis-je capable ? Cette interrogation, lancinante, accompagne chaque inspiration : respirer devient un acte fondateur, une ancre dans le tumulte intérieur. À chaque inspiration, on puise dans la confiance discrète d’un créateur ; à chaque expiration, on laisse partir l’angoisse du saut dans le vide. Parce que démarrer « from scratch » ne signifie pas partir sans rien : c’est déployer le bagage invisible de nos apprentissages, tissé des brûlures cuisantes de nos échecs et de l’éclat jubilatoire de nos victoires.
Ces expériences sédimentées, bonnes ou mauvaises, constituent un capital d’apprentissages que nul ne peut nous dérober. Chaque retour du marché – ce client qui zappe, cette démo qui plante, ce compliment qui réchauffe – devient une précieuse balise. Composer avec le doute ne veut pas dire s’y enliser, mais célébrer ce dialogue fécond : valider nos hypothèses un jour après l’autre, pivoter quand un axe ne porte plus, et clarifier sans cesse le chemin en triant le superflu du vital.
Il y a ceux qui construisent dès l’origine avec l’esprit de l’exit : tracer leur trajectoire autour d’un point final glorieux, rêver d’un rachat ou d’une introduction en Bourse. Et puis il y a les pères fondateurs qui, jusqu’à leur dernier souffle, portent la flamme originelle, fidèles à leur vision, quoi qu’il en coûte. Entre ces deux pôles, l’équilibre se joue dans la souplesse : savoir lâcher prise quand le projet ne progresse plus, tout en maintenant la passion intacte, comme un feu qu’on alimente au quotidien.
Clarifier, clarifier, clarifier : c’est répéter ce mantra pour éviter que l’esprit ne s’emballe. Clarifier la vision pour que chaque membre de l’équipe sente le même vent. Clarifier les priorités pour que chaque effort compte. Clarifier les indicateurs qui révèlent les vérités du terrain et se débarrasser des illusions rassurantes. Car une idée, aussi lumineuse soit-elle, reste obscure tant qu’elle n’est pas éclairée par une définition précise de ses ambitions et de ses limites.
Et nous, qui sommes-nous pour prétendre apporter des garanties ? Simplement des passeurs de conseils bienveillants, parfois avisés, toujours conscients de l’unicité de chaque entrepreneur et de chaque entreprise. Nous faisons au mieux, animés par l’amour de l’innovation et la détermination de voir naître des projets, sans jamais oublier que nos propres certitudes vacillent au gré des apprentissages partagés.
Alors, que deviennent leurs vérités ? Ces milliers d’histoires, ces trajectoires singulières, se prolongent en interrogeant notre propre rapport au commencement et à la fin. Peut-être que le véritable essai n’est pas dans l’atteinte d’un exit, ni dans la célébration d’un financement, mais dans la capacité collective à revenir, souffle après souffle, à la page blanche avec la même curiosité et la même humilité. Car chaque nouveau départ est, avant tout, une invitation à redéfinir nos certitudes : jusqu’où sommes-nous prêts à respirer l’inconnu pour écrire la prochaine ligne ?