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Des rencontres, et de l’économie de la confiance

Des rencontres, et de l’économie de la confiance

« Il n’y a que deux façons de vivre sa vie : l’une en faisant comme si rien n’était un miracle, l’autre en faisant comme si tout était un miracle. » – Albert Einstein

Je discutais hier avec une amie de la déception et du bonheur des rencontres.
Aujourd’hui, c’est avec cette citation que je veux continuer ma réflexion. Combien faut-il de mauvaises rencontres pour tomber sur le bon associé, un bon client, un bon partenaire ? Combien de propositions avant de conclure ? Quel miracle se tient derrière chaque relation réussie ? À qui s’en référer ?

Moi, je veux m’en référer à Al-Ghazali.

Dans Tahafut al-Falasifa, il défend l’idée que ce que nous appelons « lois naturelles » ne sont que des habitudes instaurées par Dieu, des enchaînements d’événements qui semblent nécessaires, mais qui restent suspendus à une volonté supérieure. Un miracle n’est pas une rupture, c’est simplement un réagencement de l’ordre des choses par Celui qui en détient la clé.

Appliqué aux rencontres et aux liens humains, cela résonne d’une autre manière : la confiance n’émerge pas d’une simple accumulation de calculs rationnels, mais d’un tissu invisible d’intuitions, de circonstances et de synchronicités. Ce que nous appelons hasard ou destin pourrait bien être un miracle que nous ne savons pas reconnaître.

Mais il y a un autre élément structurant de cette voie, une brèche nécessaire à son mystère : l’oubli. Al-Insān, ce nom qui nous a été donné, n’a-t-il pas pour origine Al-Nisyān ? L’oubli n’est-il pas ce qui nous permet de continuer après l’échec, de retenter sans être paralysés par la mémoire des déceptions, d’accueillir chaque rencontre avec une fraîcheur nouvelle ? Sans l’oubli, l’économie de la confiance n’existerait pas : nous serions enfermés dans un archivage infini du doute.

Alors, faut-il désespérer des fausses routes, des promesses rompues, des échecs qui s’accumulent ? Ou bien voir, derrière chaque déception oubliée, l’affinement silencieux d’une trajectoire qui nous mène vers la bonne alliance, celle qui, en un instant, réordonne le chaos et fait sens ?

Al-Ghazali nous inviterait sans doute à ne pas nous enfermer dans une vision rigide des relations humaines, mais à accepter qu’elles se meuvent sous un ordre plus vaste, où même la patience, la perte, et l’oubli participent à un équilibre plus grand.

Un miracle, donc.

Et peut-être suffit-il d’un regard neuf, un dimanche de ramadan, pour s’en rendre compte.

Photo de Greg Rakozy sur Unsplash