Ce week-end, j’ai choisi de ne pas écrire. Ou plutôt, d’écrire autrement. Non pas pour produire, convaincre ou structurer une pensée utile, mais pour laisser place au vide, à l’élan du moment, au souffle qui précède le mot. J’ai choisi d’écrire un non-article – un espace blanc entre deux projets, une respiration dans le tumulte des jours, une échappée belle hors de l’injonction permanente à faire.
À l’approche des vacances, je me surprends à accueillir la légèreté, non comme une fuite, mais comme un art. L’art d’habiter pleinement l’instant, sans finalité. Lao Tseu murmurait déjà dans les montagnes de Chine : « À trop vouloir remplir, on finit par renverser. » Il n’y a rien à ajouter à cette sagesse millénaire, si ce n’est l’expérience intime de son évidence. L’agenda allégé, l’agitation suspendue, quelque chose s’ouvre : une disponibilité nouvelle, une écoute plus fine, une joie sans objet.
Je pense alors à ces enfants qui construisent des châteaux de sable avec un sérieux sacré, conscients et joyeux que la vague viendra. Ils ne bâtissent pas pour durer, mais pour jouer. Et dans ce jeu, il y a une vérité que nous, adultes stratèges et pressés, avons parfois oubliée : la beauté du geste pour lui-même, l’élan créateur détaché du résultat, la main qui sculpte le sable sans exiger qu’il tienne.
Ce non-article est donc cela : une invitation à défaire, à suspendre, à désobéir doucement à nos routines mentales. Un hommage à l’inattendu, au non-agenda, à l’errance féconde. Car il y a une forme de courage dans le fait de ne pas faire, dans le refus du rendement, dans l’acceptation du flottement. Une fécondité du vide. Une lucidité nue.
J’y vois aussi un apprentissage essentiel pour l’entrepreneur, le créatif, le penseur : celui de savoir s’arrêter sans culpabilité, de laisser l’inaction irriguer l’action future. C’est dans les silences que mûrissent les idées les plus justes. Dans les pauses que se révèlent les vérités les plus fines. Dans les jours qui ne servent à rien que se cache parfois le sens même de ce que nous faisons.
Alors, pour une fois, laissons de côté la ligne éditoriale, les appels à l’engagement, les tableaux de bord et les échéances. Offrons-nous cette respiration – non pas comme une fuite, mais comme un retour à l’essentiel. Le silence. L’intuition. Le rien qui devient tout.
Et que cette pause, si brève soit-elle, nous rappelle l’équilibre subtil entre l’action et la contemplation, entre le vouloir et le laisser-advenir, entre la volonté d’impact et la grâce de l’accueil.
Aujourd’hui, je ne conclus pas. Je suspends. Je vous laisse, comme on laisse une barque à la dérive, portée par un courant doux. C’est l’été. C’est un non-article. C’est un acte de liberté.