Sur ce qui relie les consciences et tisse la lumière entre les êtres
Hier, un ami sincère m’a fait le bonheur de m’introduire au sens d’un mot que je ne connaissais pas. Un mot ancien, venu du grec egregoroi, les veilleurs. Dans les textes anciens, ces “veilleurs” étaient des êtres célestes chargés de garder les hommes éveillés à leur propre lumière. Avec le temps, le mot a changé de sens. Aujourd’hui, il désigne la force subtile qui naît quand plusieurs consciences s’accordent, quand des êtres pensent, ressentent ou espèrent dans la même direction.
Les Grecs y voyaient un souffle collectif, une âme partagée. Jung parlerait d’un archétype vivant, une forme d’énergie psychique née de l’inconscient collectif, qui relie les esprits au-delà d’eux-mêmes. Et les soufis y reconnaîtraient la baraka, cette bénédiction qui descend sur les cœurs unis par la pureté d’intention. Trois visions d’un même mystère : ce que les hommes créent ensemble vit en eux et autour d’eux.
Je ne prétends pas t’enseigner cela. Je ne fais que le redécouvrir, à mon tour, comme on reçoit une clef simple après l’avoir cherchée trop longtemps. Depuis hier, je regarde différemment les liens, les lieux, les groupes. Il y a dans l’air, parfois, cette densité particulière. Quelque chose circule. Les soufis diraient : “الأنفاس إذا طابت طاب الوجود” (Quand les souffles sont purs, le monde devient pur).
Je l’imagine comme des fils transparents tendus entre les êtres. Certains vibrent à peine, d’autres brillent comme des cordes d’argent. Ces fils relient ceux qui aspirent ensemble, ceux qui prient, qui créent, qui s’aiment. Pour qu’un égrégore vive, ces fils doivent rester justes. Trop tendus, ils blessent. Trop lâches, ils s’éteignent. L’harmonie, disaient les anciens, n’est pas l’absence de tension mais sa mesure.
Parfois pourtant, un fil s’assombrit. Une présence cesse d’élever et commence à absorber. L’énergie commune se trouble, l’air devient plus lourd. Il faut alors se retirer, non par fuite mais par soin. Les maîtres du soufisme parlent de tazkiya, la purification du souffle. Rompre un lien n’est pas détruire, c’est libérer la lumière prisonnière. Un fil qu’on détache dans la paix garde encore la mémoire du beau.
J’ai compris que tout ce que nous faisons, pensons ou partageons participe à un égrégore. Les entreprises, les amitiés, les familles, les peuples reposent sur ces champs invisibles que nous tissons ensemble. Ce que nous nourrissons de peur finit par se refermer sur nous. Ce que nous offrons de clarté se propage et transforme le réel.
Et si, en me lisant, tu ressens une vibration commune, c’est peut-être qu’un fil vient de se tendre entre nous. Toi par ton attention, moi par mon intention. Peut-être participons-nous, en cet instant même, à un égrégore silencieux, né d’un simple désir de compréhension et de lumière partagée. Alors avant de refermer cette page, observe ce lien, reconnais-le, et garde-le vivant.
